Mois : septembre 2006
Réouverture des Bouffes du Nord
Le Figaro, 21 septembre 2006 – Article de Marion Thébaud
Consolidée, la salle rouvre ses portes après un an de fermeture pour travaux. La programmation ménage une large place à la création.
Le tandem mythique Peter Brook-Micheline Rozan s’est reconstitué. Ensemble, ils annoncent la réouverture des Bouffes du Nord fermés pour travaux toute l’année passée. Que les nostalgiques du lieu parisien se rassurent. Les Bouffes restent conformes à nos rêves. On retrouve cette salle inchangée dans son aspect mais consolidée, solidifiée là où le péril menaçait. Il y a deux ans déjà, le théâtre avait annexé la boutique de farces et attrapes, permettant d’agrandir l’espace et de transformer le hall d’accueil en lieu digne de ce nom. Finies les attentes venteuses dans la rue aux portes d’une billetterie installées dans un recoin de fortune. Le public peut même arriver en avance et prendre un verre au bar attenant.
Femme de caractère Micheline Rozan a épaulé Peter Brook depuis la création, en 1974, du centre international de création théâtrale aux Bouffes du Nord. Ensemble, ils visaient à créer un «théâtre simple, ouvert, accueillant avec un prix de billet unique, aussi bas que possible», se souvient Peter Brook. Il y a neuf ans, Micheline Rozan avait laissé sa place à Stéphane Lissner estimant qu’elle avait bien oeuvré et qu’il était temps de lever le pied. «J’ai commencé ma carrière en réussissant quelques bons castings. Je crois mettre un point final à cinquante ans de métier en réussissant mon dernier casting : le choix de Stéphane Lissner.» Invité à diriger la Scala de Milan, Stéphane Lissner a dû quitter ses fonctions aux Bouffes du Nord et Peter a très vite rappelé Micheline. «J’aime sa rigueur, reprend Peter Brook. Elle est exigeante sans raideur.» Entrée en action, le nez dans les chiffres, Micheline Rozan a fait la grimace, puis s’est attelée à la tâche : «Il y a du travail. Avant tout il fallait s’inquiéter de la cohérence de la programmation. C’est essentiel.»
Des spectacles à 19 heures
Micheline Rozan au gouvernail, le théâtre reprend un cap ferme. Première révolution, elle inscrit des spectacles à 19 heures. Des petites formes qui permettent à des personnalités proches de la galaxie «brookienne» de s’exprimer. Un jour par semaine, le lundi, le théâtre propose des récitals, car la salle bénéficie d’une acoustique inégalable. Bien naturellement, il s’inscrit dans l’hommage rendu à Beckett dont on fête le centenaire de la naissance. À cette occasion, Brook lui-même mettra en scène Fragments composé de trois courts textes dont Berceuse que jouera Geneviève Mnich. «Respecter l’auteur ce n’est pas seulement respecter sa musique c’est aussi respecter son humanité. Nous nous y efforçons avec mes comédiens.» Un Hollandais, Jos Houben, et un Italien, Marcello Magni, tous deux issus de l’école de Jacques Lecoq, viennent rejoindre la troupe.
On retrouvera Michael Lonsdale qui reprendra son spectacle monté à la création en 1963, Comédie, féroce satire du mariage, avec Éleonore Hirt, Laurence Bourdil. Enfin, une pièce phare de Beckett Fin de partie sera programmée dans une mise en scène de Pierre Chabert qui a travaillé avec des comédiens turcs. Une affiche originale dans la grande tradition d’un théâtre qui s’autorisera de temps en temps un projet grand public comme ce Misanthrope prévu la saison prochaine, joué par Fabrice Luchini
Le Grand Inquisiteur, théâtre 2006
De Fedor Dostoïevski
Adaptation Marie-Hélène Estienne
Mise en scène Peter Brook
Lumière Philippe Vialatte
Avec Maurice Bénichou, Ken Higelin
« L’action se passe en Espagne, à Séville, au seizième siècle – à l’époque la plus terrible de l’Inquisition. Le Christ revient parmi les hommes sous la forme qu’il avait durant les trois ans de sa vie publique. Le voici qui descend vers les rues brûlantes de la ville où justement la veille, en présence du roi, des courtisans, des chevaliers, des cardinaux et des plus charmantes dames de la cour, le Grand Inquisiteur a fait brûler une centaine d’hérétiques. » Le Grand Inquisiteur, extrait (In Les Frères Karamazov) traduction française de Henri Mongault, éditions Gallimard.