« Rencontres » à la Cinémathèque
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“Rencontre avec des hommes remarquables” à la Cinémathèque française. Lundi 6 décembre 2010. Séance à 20h30 et 22h15. Cinémathèque française – Salle Georges franju. 51, rue de Bercy – Paris 12e – M° Bercy. Tarif : 6,5€ – tarif réduit : 5€. Information : 01 44 75 42 75. Les places sont en vente avant la projection ou sur le site www.cinematheque.fr
“J’ai rencontré des hommes remarquables” est le récit de Gurdjieff à propos de ses aventures de jeunesse. Non pas un journal, ni un récit ordinaire mais une suite de faits et de rencontres troublantes qui jouèrent un rôle majeur dans son initiation à la vie et à ce qui devait conduire à l’une des aventures spirituelles les plus extraordinaires, les plus controversées aussi, du XXe siècle.
Les années de jeunesse de Gurdjieff demeurent mystérieuses. De nombreux voyages le menèrent à travers l’Asie en des contrées peu fréquentées où il rencontra précisément des hommes remarquables qui se succédèrent tout au long de son chemin pour lui enseigner la véritable sagesse et la force qui lui est liée, les pouvoirs physiques, spirituels : principes d’une science oubliée.
Bien souvent, les coïncidences eurent un rôle déterminant dans ces aventures, révélant qu’il ne s’agit pas de simples hasards mais d’actes tous conduits par une nécessité dont le message nous échappe, mais qui va se déployant et s’inscrire dans le domaine invisible, sous-jacent aux pensées et aux actes des hommes.
C’est aussi pourquoi, le petit groupe que Gurdjieff intitule « les chercheurs de vérité », composé d’une poignée de camarades décidés à percer les secrets de l’univers se réunit fréquemment avant de prendre la route vers les contrées lointaines, souvent dangereuses aux couleurs intenses et aux lumières brûlantes…
Voyage initiatique au même titre que ceux pratiqués par certains romantiques et notamment par l’écrivain allemand Novalis qui dans son récit Henri d’Ofterdingen faisait apparaître des choses merveilleuses qui indiquaient l’existence d’un monde parallèle et magique.
Le récit et sa métaphore sont devenus alors une fable.
Dans son film, extrêmement réussi, Peter Brook n’a jamais trahi ou travesti les pensées de Gurdjieff auxquelles un respect profond le lie.
L’étrangeté des rencontres, la beauté immense des paysages, la nuance des teintes, des étoffes, mêlée au grain de la terre, le peu de paroles, tout, grâce à son regard de cinéaste et d’homme de théâtre prend vie et sens. Qui pourrait douter alors que Gurdjieff avait bien, comme il le prétendait, saisi une part de l’alphabet secret et universel dont la tradition se perd dans la nuit des temps.
Lorsque, au détour d’un chemin du Monastère Sacré, surgissent soudain des danseurs employant dans leurs mouvements des méthodes réellement enseignées par Gurdjieff – et qui sont aujourd’hui encore tenues secrètes pour les non-initiés – nous sommes étonnés par l’intelligence et l’harmonie des gestes.
Les derviches tourneurs, dont la tradition ésotérique est proche de l’univers de Gurdjieff, accordent parfaitement leurs gestes aux postures des autres officiants.
De nombreux chercheurs, artistes, écrivains suivirent ces groupes de travails où Gurdjieff enseignait lui-même souvent et sans ordre préétabli, à l’époque de la deuxième guerre mondiale.
Peter Brook qui a connu Madame Salzmann, héritière de Gurdjieff, et qui a fait partie de certains de ces groupes actifs, en sait long sur ces pratiques, ces traditions et le silence qui les protège de la vulgarisation.
« Il faut être capable de recevoir l’enseignement transmis » répétait souvent Gurdjieff.
Encore faut-il savoir que le principe de la transmission du Maître à l’élève ne passait guère par les voies habituelles du langage et du discours mais par des révélations successives et les effets qu’elles entraînent.
C’est pourquoi, il ne s’agissait jamais d’un savoir à proprement parler mais d’une Vérité dont la dimension est proche de celle enseignée par Freud, Nietzsche ou Von Hofmannstahl.
Lorsque l’on étudie de près le visage du véritable Gurdjieff sur le peu de clichés qui restent, nous sommes étonnés par l’intensité et l’inquiétude du regard qui évoque deux pépites comme serties dans la pierre… Il est évident que cet homme eut à faire avec la Vérité la plus extrême et ses conséquences les plus profondes.
Il faut savoir gré à Peter Brook d’avoir réalisé ce film admirable et, de bout en bout, poétique.
Le véritable enseignement de Gurdjieff tient en ses principes de vie que nous énoncent et nous dévoilent ces images ardentes.
Patrick Bensard
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