“Légère et intense”
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© Dominique SIMON (AFP). Paris— Décor presque nu, vêtements sobres, chant épuré, la “Flûte enchantée” mise en scène à Paris par Peter Brook, à partir de l’opéra de Mozart, retient l’essence de l’oeuvre pour livrer au public un spectacle à la fois léger et intense dont le théâtre des Bouffes du Nord est l’écrin.
Peter Brook a intitulé son spectacle, présenté jusqu’au 31 décembre à Paris, puis en tournée, non pas “La Flûte enchantée”, mais “Une Flûte enchantée”, celle du metteur en scène qui, après plusieurs années au service de l’opéra dans des salles prestigieuses, s’était mis à le haïr. “J’ai abandonné l’opéra (…) sur une haine absolue de cette forme figée – non seulement “la forme opéra” mais aussi “les institutions opéra”, le “système opéra” qui bloque tout”, raconte celui qui, à 85 ans, a décidé de tourner une page en confiant la direction des Bouffes du Nord à Olivier Mantei et Olivier Poubelle.
La “Flûte” de Peter Brook, qui dure une heure quarante sans entracte, apparaît bel et bien “débarrassée de toutes les conventions imposées par la forme durant des années”.
Sur le plateau du théâtre à l’italienne, dont l’espace est grignoté par les spectateurs assis devant sur des coussins, comme à l’habitude, seul un piano est installé dans l’angle droit de la scène pour accompagner les chanteurs. Pour décor, se détachant sur le rouge si particulier des murs du vieux théâtre, de fines tiges en bambou qui seront bougées par deux comédiens durant le spectacle pour délimiter les espaces et symboliser les différentes situations.
Les comédiens et chanteurs sont d’origines diverses, tous pieds nus, fondamentalement semblables dans leur dimension d’homme.
Les jeux de lumière suffisent, comme les tiges de bambous, des tapis ou des écharpes, à créer l’atmosphère des différents tableaux, lumineuse ou intime, comique, violente ou profondément intérieure. Les chanteurs sont de parfaits acteurs au jeu vivant, moderne, comme les textes qu’ils disent en français.
Mais le chant est en allemand, des surtitres d’affichant sur les murs latéraux pour raconter l’histoire. L’intimité de la salle, en arrondie, et sa merveilleuse acoustique permettent aux chanteurs des modulations infiniment nuancées, sans l’emphase des grands spectacles.
Le jeune oiseleur Papageno, mêlé à des aventures hors du commun alors qu’il aspire à la tranquillité et au simple amour domestique, suscite immanquablement le rire du public. Quand Papagena, la femme qui va l’aimer, tout d’abord enveloppée d’un long manteau et recroquevillée comme une vieille sorcière, ôte soudain ses oripeaux pour apparaître jeune, vêtue à l’identique de Papageno, le rire est instantané. Clin d’oeil malicieux, elle est le seul personnage à n’être pas pieds nus mais en socquettes roses.
Plus romantique, le prince Tamino, sobrement vêtu de noir, s’enflamme d’un amour ardent pour Pamina, retenue prisonnière, et s’engage à la secourir. La mère de Pamina, la “méchante” Reine de la Nuit, rendue célèbre par les périlleux ornements vocaux qui agrémentent sa partition, donne à Tamino une flûte en or, magique, qui doit aider le prince durant sa périlleuse mission.
Pamina, captive, rend bien son amour à Tamino, mais Monostatos, chargé de la garder, convoite la jeune femme et se fait menaçant.
Mais par chance, le grand prêtre Sarastro, une basse magnifique, protège Tamina jusqu’au final heureux où la flûte enchantée s’élève d’elle-même dans les airs.
La distribution, qui rend hommage aux jeunes artistes, alterne selon les jours.
A l’issue des représentations parisiennes, le spectacle partira en tournée en France, en Allemagne, en Italie, en Grèce et à Londres notamment.
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