« Une flûte »
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© Le Soir – (lesoir.be) par Michèle Friche. Condenser la Flûte enchantée de Mozart en 95 minutes, faire passer à la trappe l’orchestre, le chœur, les 3 enfants, les 3 dames de la Reine de la Nuit, les animaux, les oiseaux de Papageno, le serpent, les symboles d’inspiration maçonnique… Bigre ! Que reste-t-il de ce singspiel chanté et parlé, créé quelques mois avant la mort de Mozart ? Croyez-nous si vous voulez, mais la baguette magique d’un bonhomme de 85 ans, Peter Brook, a encore frappé : tout y est, épuré, dans une tendresse grave et légère tout à la fois, dans une jeunesse des corps et des voix, donc fragiles, ténues parfois, mais avec une grâce enfantine qui n’a rien à voir avec la mièvrerie mais balaie votre barda de références et touche chaque génération dans un Atelier Jean Vilar comble.
Les sept jeunes chanteurs, dont une belle basse belge déjà solide, Patrick Bolleire, et un ténor canadien dont on reparlera (Antonio Figueroa), sont entourés par deux fidèles du metteur en scène, les comédiens William Nadylam (Hamlet, Le Cid, rien de moins !) et Abdou Ouologuem. Les airs s’envolent dans l’allemand original (surtitré) et les dialogues, pleins d’humour, sont en français gaillardement adaptés par Peter Brook et Marie-Hélène Estienne.
Dans un coin de la scène, le piano de Franck Krawczyk s’amuse avec Mozart ; sa « réduction » de la partition de la Flûte a de l’esprit plus que de la lettre, habile pour relier les airs et picorer dans d’autres pages mozartiennes (dont un lied qui étoffe le rôle de Papagena et répond à la misogynie habituelle distillée par le « sage » Sarastro). Présent mais jamais envahissant, le piano veille sans chercher à ressembler à l’orchestre. Et l’intimité, la proximité qu’il distille est celle de tout le spectacle, en connivence avec le public où Pappageno repère de jolis oiseaux féminins !
Les chants eux-mêmes préfèrent le « mezza-voce » aux exploits « forte ». Intime toujours, et sans maniérisme. Point de Monostatos noir et méchant, mais un être comme les autres, qui ne comprend pas pourquoi on ne l’aime pas… Même tristesse chez la Reine de la Nuit, loin des éclats vengeurs et qui, in fine, acceptera la main tendue de Sarastro, en reconstruisant avec tous ce qui a été détruit. Et chacun de redresser les dizaines de longs bambous renversés sur le plateau, ceux qui ploient, sans se rompre et que les interprètes déplacent au gré de leurs envies, de leurs fonctions, cage, porte, arbre… Très peu d’accessoires, à la manière de Brook, un tissu vif, deux flambeaux, un chariot… Et pas l’ombre d’un symbole pseudo-maçonnique. La fraternité, la vertu, le respect… cela se joue dans les gestes de chacun, dans les regards, jusqu’à la grande émotion finale du silence du plateau qui nous laisse les sourires de chacun. Une flûte enchantée titrait Peter Brook, la sienne, celle de Mozart et la nôtre.
Date : Jusqu’au 13/11 (Ma., Me. et V. à S. à 20h30; J. 19h30; D. 15h).
Lieu : Théâtre Jean Vilar (Louvain-la-Neuve)
Mais aussi : Théâtre de Saint Quentin en Yvelines (France – 78 – Montigny Le Bretonneux)
« Une flûte enchantée », à partir du 17 janvier 2012
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