Le «costume» sur mesure de Peter Brook

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© Le Figaro – 6 avril 2012 – Par Nathalie Simon
Le metteur en scène reprend avec finesse The Suit en anglais.
Peter Brook, 87 ans, semble toujours tout réinventer à chaque nouveau spectacle. Il symbolise l’essence du théâtre. The Suit (Le Costume), inspiré d’une nouvelle de l’écrivain sud-africain Can Themba (1924-1968), illustre cette idée. L’ancien directeur du Théâtre des Bouffes du Nord reprend en anglais un texte qu’il avait créé en français (1999). Avec ses deux compères d’Une flûte enchantée, Marie-Hélène Estienne et Franck Krawczyk, et cette fois, un petit orchestre au lieu de musiques enregistrées.

Écrite dans les années 1950, l’intrigue relève du vaudeville et de la fable, mais évoque aussi l’apartheid. En rentrant chez lui, à Sophiatown, à l’ouest de Johannesburg, Philémon (William Nadylam) découvre Matilda, sa femme (Nonhlanhla Kheswa, prodigieuse chanteuse), au lit avec un autre homme (Rikki Henry). Il lui impose une punition saugrenue: cohabiter à trois avec le complet veston de l’amant. Pour Matilda, c’est le début de l’enfer.

Artisan du théâtre comme au premier jour, Peter Brook fait beaucoup avec presque rien. Du décor, basique, magnifié par les lumières de Philippe Vialatte, à la mise en scène, précise comme une montre suisse. Le fameux costume s’impose d’emblée au public, au milieu de chaises multicolores et de portants qui font office de porte et délimitent le plateau.

Comme dans une «pièce chantée» de Mozart, le metteur en scène donne des rôles aux musiciens, outre le pianiste Franck Krawczyk, Arthur Astier à la guitare et David Dupuis à la trompette. À la fin de la représentation, ils se mêlent aux comédiens, tous justes. Jusqu’au dénouement fatal, le spectateur oscille entre rires et larmes.

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© Le Figaro – Armelle Heliot – The Suit, conte drôle et cruel
L’art de Peter Brook ne se raconte pas, il s’éprouve. L’art de Peter Brook est magistral et enfantin. L’art de Peter Brook nous émerveille sans nous bercer d’illusions. C’est un art enchanteur en prise avec le réel. C’est l’art d’un voyant, d’un poète, d’un éveilleur. On ne saurait décrire le sentiment de simplicité et d’accomplissement que procure cette nouvelle version du conte de l’écrivain d’Afrique du Sud Can Themba (1924-1969). Des textes de Mothobi Mutloatse et Barney Simon étoffent le récit. On avait découvert Le Costumeen 1999, en langue française. Un conte drôle et cruel qui a voyagé partout à travers le monde. Peter Brook, Marie-Hélène Estienne, Franck Krawczyk, qui signent ensemble cette adaptation et cette mise en scène et en musique du texte en langue anglaise, renouvellent le spectacle. Ce Costume est tout neuf même si l’on a bien en tête la première mouture. La distribution brillante nourrit cette reverdie: Rikki Henry, Jared McNeill, William Nadylam, merveilleux époux déçu inventant sa terrible vengeance, et, dans le rôle de la jeune femme volage, une artiste fine à la voix miraculeuse qui chante magnifiquement, Nonhlanhla Kheswa. Trois musiciens les accompagnent et entrent parfois dans le jeu. Raphaël Chambouvet au piano, Arthur Astier à la guitare, David Dupuis à la trompette. Dans un espace de chaises colorées et de portants mobiles, le chant illumine ce qu’il y a de tragique. De Schubert à Miriam Makeba en passant par Narciso Yepes, on est ému, on rit et on pleure. L’anglais est accessible et les surtitres très lisibles. Une fête à partager.

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